Depuis cinq ans déjà un groupe de vingt quatre mouvements chrétiens promeut une campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de notre environnement tant naturel qu’humain. Une affiche qui décoiffe la met en relation avec le prochain Noël. Elle commence sur un slogan percutant : Ne prenons pas la terre pour une dinde ! Propos original illustré par l’image d’une belle volaille rôtie, suffisamment dodue pour prendre la forme arrondie d’une mappemonde. Les marbrures de la peau dorée par la cuisson dessinent des continents. Notre Terre car il s’agit bien d’elle, sort ainsi prête à être découpée d’un four aux boutons-commandes éloquents : chauffage, éclairage, gavage, gaspillage. Un bandeau en bas d’affiche clôt l’ensemble par cette invite : A Noël, réchauffons nos cœurs.
Pas besoin d’un savant commentaire pour saisir le message. Il repose sur des résultats d’études et d’enquêtes sérieux. Notre planète cuit au feu de réchauffements climatiques irréversibles. En outre nous la dévorons comme nous le ferions d’une dinde appétissante en satisfaisant le « toujours plus » de besoins voluptueux, avec un moindre souci des besoins primaires de ceux qui ne peuvent s’attabler au banquet de la consommation à outrance. La profusion des illuminations et des étalages qui tiendront le haut du pavé jusqu’au 25 décembre apparaissent alors, sous le couvert de joies et de bonheurs pourtant fort légitimes, comme une invitation impudique à participer en aveugles et en égoïstes au festin dénoncé par l’affiche. Nous préparerions-nous alors à chanter Noël en fossoyeurs du monde ?
Inutile de se culpabiliser. Mieux vaut se réveiller.
D’abord en nous informant. Une importante conférence de l’ONU sur le climat se tiendra à Copenhague en décembre prochain. Deux cents pays participeront à ce sommet. Ils veulent éviter le pire en poursuivant la mise en place de nouvelles politiques énergétiques. Chantier considérable et difficile car les options et les décisions prévisibles prendront à rebours nos cultures de progrès à tout crin et imposeront un changement drastique de nos comportements, à commencer bien sûr par ceux des pays les plus riches. Tenons-nous donc au courtant. Les Après nous le Déluge et les politiques de l’autruche associeraient l’égoïsme à l’inintelligence pour continuer à rôtir la terre – et nous avec - comme la dinde d’un tragique Noël !
Ensuite en nous y mettant ! La frugalité heureuse d’une sobriété bienfaisante pour la santé est déjà possible. Mais aussi la soumission de nos dépenses compulsives au régime de la réflexion. Quelques heures de patience suffisent parfois à noyer de fortes envies dans l’océan de l’inutile ! Pourquoi ne pas alors convertir la propension à dépenser en décision de partage ? Bon remède contre la cellulite du superflu et prévention efficace contre l’infarctus du repli sur soi ! Alors la dinde de Noël ne sera plus celle de l’affiche, promise au dépeçage d’une consommation effrénée, mais le plat savoureux d’une convivialité fraternelle.
Le premier Noël mit en scène de simples bergers. Veilleurs d’étoiles dans la nuit, guetteurs de Vérité. Leur pauvreté de cœur les rendit capables d’entendre des chants de paix là où d’autres ne percevraient que silence. Ils consentirent à se mettre en route et à prendre sur leurs biens pour offrir à plus pauvre qu’eux. Ils furent ainsi bergers de bonheur, témoins pour aujourd’hui d’un Noël à vivre autrement, ouvert à l’esprit d’enfance et au partage. Que notre réponse à la campagne pour la sauvegarde de l’environnement puise à cette source !
Père Michel Dagras, aumonier de PAX CHRISTI et vice-recteur émérite de la Catho de Toulouse