On sait maintenant qu’il reste moins d’une décennie pour obtenir une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Au-delà, la réaction en chaîne climatique, visible en moins de deux générations, deviendra incontrôlable. Pour sa 26e édition parue mi-janvier 2009, l’état des lieux annuel du Worldwatch Institute rappel que son panel d’experts estime que le temps manque pour suffisamment réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), pour maitriser un monde qui se réchauffe. « Si l’on veut éviter une perturbation catastrophique du climat mondial, le monde va devoir réduire ses émissions plus drastiquement que prévu, résument ils, pour essentiellement ne plus émettre de C02 d’ici 2050. Il nous reste moins d’une décennie pour commencer à réduire nos émissions » (J’ai repris ces informations de l’excellente lettre d’info sur le web, Novethic, 4 fev 2009).
Pour le GIECC, c’est bien en 2015 que les émissions globales doivent culminer si l’on veut que les concentrations CO² ne fassent pas augmenter les températures de plus de 2 degrés. Le rapport du célèbre cabinet McKinsey, de janvier 2009, « Pathways for a low carbon economy » confirme la possibilité de maintenir le réchauffement en dessous de la barre des 2 C°... à condition d’y mettre massivement les moyens ! Cet investissement politique et financier est estimé à 530 milliards d’euros par an d’ici 2020, et à 810 milliards en 2030. Et la marge est très étroite « Chaque année de délai supplémentaire rend le défi encore plus difficile, avertit le rapport. Non seulement à cause de l’augmentation des émissions pendant cette année, mais aussi parce que cela conforte les équipements ou produits très consommateurs de CO2. »……comme la relance des voitures individuelles par exemple !
Avec son « dérangeant » collègue Jean-Marc Jancovici, l’économiste polytechnicien Alain Grandjean, conseil de la Fondation Nicolas Hulot, vient d’écrire « C’est maintenant, 3 ans pour sauver le monde » (au Seuil). Ils martèlent : « Face au défi climatique et énergétique dont l’intensité et l’urgence deviennent croissantes, c’est maintenant qu’il faut prendre des mesures d’une ampleur très supérieure aux plans d’action décidés jusqu’ici. Il va falloir aller extrêmement vite et de manière extrêmement volontaire. » . Alors…Est-ce que les politiques veulent agir ?
Pour répondre à cette lancinante question, le philosophe Jean-Pierre Dupuy, après un long travail sur la philosophie des sciences réfléchit aux catastrophes qui nous menacent. Il cherche à comprendre pourquoi nous ne voulons pas - ou ne pouvons pas - voir les conséquences de ce que nous déclenchons nous-mêmes. « Nous sommes entrés dans une ère dont l’horizon peut être la destruction –non pas de la planète – mais de l’écosystème terrestre, donc de la vie humaine. Mais, contrairement aux chrétiens face au Jugement dernier, nous refusons d’y croire... ». Et il plaide pour le « catastrophisme éclairé », une attitude philosophique qui entend briser l’obstacle sur lequel achoppent la prudence des politiques : « Même lorsque nous savons que la catastrophe est devant nous, nous ne croyons pas ce que nous savons. Ce n’est pas l’incertitude qui nous retient d’agir, c’est l’impossibilité de croire que le pire va arriver ». Un chercheur anglais a dégagé un « principe inverse d’évaluation des risques » : la propension d’une communauté à reconnaitre l’existence d’un risque -et donc à agir- serait déterminée par l’idée qu’elle se fait des solutions à apporter. Comme les pouvoirs qui nous gouvernent, économiques et politiques, croient que le prix à payer pour éviter le désastre -changement radical de nos modes de vie, renoncement au « progrès »- serait irrecevable ou irréalisable, il s’ensuit inévitablement l’occultation du mal !
Tous les dirigeants savent que nous sommes dans le calme avant la tempête... mais alors où et qui lance le branle-bas de combat ?
Pour Radio RCF Savoie