Colloque oecumenique vers une meilleure sauvegarde de la creation

Developpement durable, gestes civiques, 22 et 23 octobre 2005 au Liebfrauenberg

Ce colloque s’adressait à tous ceux qui se sentent responsables dans leur quotidien de la sauvegarde de la Création... Je me suis donc sentie concernée, d’autant plus que cette rencontre de 140 personnes environ était motivée par la « charta oecumeniqua » signée à Strasbourg en 2001 et qui affirme : « Dans notre foi en l’amour de Dieu, le créateur, nous reconnaissons avec gratitude le cadeau de la création, la valeur et la beauté de la nature.
Nous nous engageons à promouvoir un style de vie selon lequel, à l’encontre des pressions économiques et consuméristes, nous mettons l’accent sur une qualité de vie responsable et durable. »

Cette rencontre se déroulait dans un haut lieu d’où l’on a une vue magnifique sur la région d’Haguenau,mais colline isolée que j’ai mis un certain temps à rejoindre depuis Paris via Strasbourg. Ancien couvent catholique, maintenant géré par les protestants et très confortablement aménagé, c’était déjà la preuve de l’oecuménisme qui s’est pratiqué tout le WE .

Arrivée un peu en retard j’ai assisté à l’exposé de Jean Marc Prieur, prof de théologie protestante.
Se basant sur les Ps 8, 136, 104, Job (38-39), Is 40 et Gen I, il est constaté que la création se fait par la parole, sur ordre et à base de séparations. L’homme y est très bon... mais pas parfait !
Il est au sommet de la création mais il reste terrien et en solidarité avec les créatures, ce qui implique des limites.
L’homme doit améliorer la situation pour éviter le retour au chaos (tel que le déluge ). Il doit se reconnaître comme responsable devant Dieu et devant les hommes et donc changer son mode de vie actuel.

Jean Pierre Raffin a ensuite parlé des gestes civiques et du comportement individuel à avoir. Un historique où il rappelle notamment que déjà en 1989 le rassemblement de Bâle avait demandé que les chrétiens adoptent un autre style de vie. Parlant de la solidarité N-S et E-O il cite le cas des subventions à la viande exportée en Afrique : moins chère que la viande du pays, les Africains ne peuvent rivaliser et cela provoque les migrations.
Nous occidentaux sommes responsables de la déforestation, des exploitations pétrolières. Citant la récente affiche : « la fièvre acheteuse n’est pas une maladie honteuse »... mais c’est oublier que la moitié de l’humanité n’a pas les moyens d’être acheteuse. Autre publicité dangereuse : « achetez maintenant, payez l’an prochain. » Par contre, une autre publicité parlante qui fait réfléchir : une femme d’autrefois, courbée sous le poids des seaux remontés du puits... puis une femme moderne revenant de la grande surface courbée sous le poids des bouteilles d’eau minérale qu’elle a achetées car l’eau naturelle est polluée. Où est le progrès ?

Noter par exemple que le transport aérien n’est pas pris en compte dans le protocole de Kyoto. Ne pas hésiter à écrire, se manifester pour dénoncer ce qui ne va pas. Prônant une vie simple, austère et frugale, je me suis permis d’insister sur la joie qu’il y avait à pratiquer ce mode de vie.

L’après midi nous nous sommes répartis en une dizaine d’ateliers.
J’avais choisi celui des transports et j’ai apprécié comme tout le déroulé était bien rodé avec des animateur et intervenant très intéressants. Sur ce sujet Michel Dubromel, responsable des questions de transports à France Nature Environnement, a introduit le débat en parlant des méfaits directs : bruit, pollution atmosphérique... et indirects : santé, biodiversité, climat.

Il dénonce certaines pratiques absurdes telles que :

  • le fait que les camions circulent avec en moyenne seulement 40% de marchandises en charge. La Suisse a dans ce domaine résolu le problème en instituant une taxe qui finance le ferroutage : tout camion circulant sur le réseau routier paie en fonction de son degré de pollution, de sa charge utile (même s’il est à vide), du nombre de Km parcourus. Si on est pris en fraude, l’amende est très forte... résultat, la charge utile des camions a augmenté de 50%.
  • un pot de yaourt a parcouru en moyenne 5 à 6000 km avant d’être consommé ! A nous de consommer des pots en verre, ou mieux de faire nous mêmes nos yaourts.
  • les navires polluent encore plus que les avions... qui polluent plus que les autos.
  • la publicité : « la voiture c’est la liberté ». Voir plutôt que dans le mot « bagnole » il y a « bagne ».
  • une usine Peugeot de pièces détachées près de Vesoul va voir sa voie ferrée supprimée. Ces objets vont donc devoir circuler en camions.

Des actions sont proposées :

  • Constatant que le covoiturage n’est pas organisé, à nous d’anticiper le mouvement et d’utiliser ce qui existe : « aut’autrement », pour une auto partagée.
  • Le transport de marchandises à la SNCF a été souvent abandonné à cause des grèves, à nous d’exiger le service minimum.
  • Les entreprises souffrent de travailler à flux tendu, mais c’est la faute de consommateurs trop exigeants, à nous de refuser le « 24h chrono »qui met en route une camionnette bien polluante. Sortir du « tout tout de suite ».
  • Certaines associations se réunissent dans des sites isolés des transports en commun, à nous d’interpeller les organisateurs. De même, dénoncer les animateurs de randonnées qui fixent le RV de départ juste avant l’ heure d’ arrivée du train.
  • Savoir qu’une roue en fer use 1/10 de la force nécessaire à une roue à pneu.

Lors de la remontée des ateliers,

  • pour les déchets, la France est en retard : en Irlande par ex la pesée embarquée est pratiquée depuis le 1-1 04 . Des gestes possibles : pratiquer les consignes ; ouvrir les emballages au supermarché et les laisser sur place au lieu d’aller les mettre à la poubelle chez soi.
  • l’eau n’est pas une marchandise : c’est un droit pour tous. Gestes possibles : en tant qu’usager, être acteur dans les comités de bassin ; collecter l’eau de pluie.
  • les énergies : utiliser le bois, le soleil, le photovoltaïque, l’éolien (en évitant le stockage et en l’envoyant tout de suite dans le réseau). Est signalé un projet de puits à 5000m de profondeur : là où la roche est très chaude. On l’arroserait et sa vapeur d’eau serait diffusée. Gestes : économiser, s’informer et faire circuler l’info.
  • entreprises durables et solidaires, prêchées par les Focolari depuis 1991 dans un esprit de fraternité. Gestes : Impliquer les salariés. Quand on choisit entre plusieurs devis, d’autres critères doivent entrer en compte autres que le moins cher.
  • faune et flore : garder la biodiversité. Gestes proposés : ne pas trop tondre le gazon ; ne pas tuer la bestiole qui me gêne ; ne pas utiliser du bois exotique
  • OGM et Bio. Autrefois on nourrissait le sol. Ensuite on a nourri la plante. En bio on en revient à nourrir de nouveau le sol.
    Les OGM ne sont pas la solution pour nourrir le monde entier.
    Gestes : rapprocher le producteur du consommateur ; lutter contre les subventions agricoles ; acheter dans le commerce équitable (bien qu’il manque hélas une définition légale) ; pratiquer le micro-crédit ; ne pas acheter ce dont on n’a pas besoin ; investir dans des placements éthiques et de partage.
  • environnement et violence. Il s’agit de comportements individuels aux répercussions collectives. Avec Dieu, être plus respectueux de la Création. Gestes : dialoguer, favoriser la convivialité dans les immeubles.
  • Compost et déchets organiques : ils remplissent le 1/3 de nos poubelles alors que ce ne sont pas des déchets. Victor Hugo disait déjà : « l’humus des villes doit retourner à la campagne ». Apprécier le travail de l’association « terre vivante » à Mens. Gestes : recycler ses déchets, faire son compost (même en ville, où on peut toujours trouver une plante où le mettre et il existe des composteurs de balcon).

Quelques réponses aux questions :

  • Le « consommer local » doit être tempéré de solidarité avec les pays en développement.
  • Construire en bioclimatique, c’est possible : ex d’un quartier de Fribourg.
  • Apprenons à nous connaître et à nous aimer et demandons nous si ce que nous faisons est bon - pour moi, -pour les autres, -pour la planète.

Reste à conclure. C’est une mission à deux voix :

Julien Petit :

  • Voir les implications de notre foi.
  • Penser que l’eau est la base de la vie et de la vie spirituelle (par le baptême).
  • Notre pain de ce jour c’est aussi le pain de demain car demain commence aujourd’hui.
  • Admirer, c’est fondamental.
  • Chaque croyant est appelé à un changement individuel.
  • Importance de la parole, de la formation et de l’information.
  • Pratiquer la frugalité, la décroissance, la convivialité.
  • S’impliquer dans les petits et dans les grands projets.

Jean Pierre Ribaut.
Nous sommes envoyés en mission. Soyons crédibles, vérifions ce que nous affirmons. Croire en la force de l’opinion publique, voir la pression de la société civile. Souvent la législation est suffisante mais elle n’est pas appliquée. Participer aussi à des associations non chrétiennes. Noter déjà le prochain rassemblement oecuménique à Sibiu en Roumanie, pays orthodoxe. Parmi le sept sous thèmes, celui traitant de l’environnement abordera entre autres les modes de vie. Le sujet sera : comment promouvoir un style de vie où on met l’accent sur la qualité de vie responsable et durable.

Journée bien remplie, entourée de tous ces Alsaciens convaincus, conviviaux, avec des contacts très riches pendant les repas. Soirée festive avec une émouvante chanteuse poète : Sylvie Foell traduisant le sujet à sa manière, touchante.

Dimanche : célébration à deux voix à Goersdorff avec chaque fois un protestant et un catholique. Et après midi de détente : petite randonnée dans la forêt voisine, si belle en cet automne lumineux.

Heureuse d’avoir pu avoir tous ces contacts, j’ai pris un bain d’alsacien et fus réconfortée de voir tous ces Français si motivés.